LIRE ET DECOUVRIR

Un livre sous forme de journal poétique dans la zone industrielle de Gennevilliers. « LE GRAILLON »

Sur une période de presque deux ans (octobre 2014- août 2016), Guillaume Deloire, agent culturel pour la Ville, a arpenté la zone industrielle de Gennevilliers, principalement l’avenue Louis Roche, mais aussi toutes les rues avoisinantes, ainsi que le port, pour tenter de capturer les derniers indices d’un monde ouvrier qui lentement disparaît.

Feuillets de vie soustraits à l’effacement d’un monde, journal rédigé sur le coin d’une table de bistrot, pages écrites à la volée dans les journées ponctuées de haltes quotidiennes répétitives, Le Graillon est tout cela mais bien plus encore. Sous-titré « poésie ouvrière » par l’auteur de l’ouvrage, le projet d’écriture — et de mémoire — de Guillaume Déloire se lit d’une traite, d’un seul tenant, dans l’enthousiasme de la découverte d’un temps et d’un espace autres. D’une poésie autre.

La langue qui est celle de Guillaume Déloire est une langue volontiers parlée, prompte à s’attacher aux mots des autres et à les faire siens, à leur histoire et à leur idiome propre. Derrière cette pauvreté, revendiquée comme un trésor, c’est toute une philosophie de l’accueil et de la générosité qui se dégage. Poésie spontanée, détachée de toute ambition de style, la poésie de Guillaume Déloire est directe, sans chiqué. Passionné de rencontres, de liens fondés sur l’écoute, l’amitié et le partage, Guillaume Déloire sillonne « la zone », ses friches ses terrains vagues ses grilles et ses murs, dans l’espoir d’arracher un instant d’éternité au passé disparu ; ou à un avenir incertain, sur le point d’être anéanti à son tour avant qu’il laisse place à l’oubli. Aimanté par les rues de la ville, Guillaume Déloire photographie ferrailleurs et ouvriers, émigrés, apatrides, Rroms et maghrébins, portugais et serbes. « Poésie ouvrière, la classe » — elle aussi menacée, au même titre que les usines où tous travaillaient jadis, et dont il ne subsiste que ruines. Écrire /Photographier. Les deux activités vont de pair. Pour témoigner d’une France que tous aimaient, et qui a sombré. Où ? Comment ? Depuis combien de temps ?

Happé de manière irrépressible par la zone de Gennevilliers qui vit au ralenti, dans une sorte de bonhomie bienveillante, accueillante et conviviale où se retrouvent les habitués du petit salé aux lentilles ou du foie de veau persillade, autour d’une bière ou d’un verre de Boulaouane, Guillaume Déloire découvre un jour, tardivement, le pourquoi de cette aimantation qui a occupé sa vie son temps ses loisirs deux années durant. Une révélation qui lui vient de Madeleine, sa grand-mère, évoquant pour lui le bistrot que tenaient à Puteaux ses arrière-grands-parents, La Chope formidable.

En résulte un voyage poétique peu ordinaire qui amène à découvrir autrement un territoire que la plupart traversent sans s’y arrêter…

Livre disponible sur le site de l’éditeur : Le Graillon :
https://editionsdesvanneaux.wordpress.com

[233 p.] – 17 € (frais de port compris)